25.1.10

Le Prophète - Khalil Gibran

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Voilà un bouquin que je n'ai pas lu intégralement mais dont les extraits me touchent particulièrement (surtout l'image du temple...) C'est apparemment une référence philosophique que je ne connaissais pas. En voici quelques extraits qui sont, à mes yeux, essentiels. J'avais déjà repris un large extrait concernant les enfants, sans savoir que c'était de ce livre qu'il était tiré ! A méditer...






L'amour

"
Quand l'amour vous fait signe, suivez le.
Bien que ses voies soient dures et rudes.
Et quand ses ailes vous enveloppent, cédez-lui.
Bien que la lame cachée parmi ses plumes puisse vous blesser.
Et quand il vous parle, croyez en lui.
Bien que sa voix puisse briser vos rêves comme le vent du nord dévaste vos jardins.
Car de même que l'amour vous couronne, il doit vous crucifier.
De même qu'il vous fait croître, il vous élague.
De même qu'il s'élève à votre hauteur et caresse vos branches les plus délicates qui frémissent au soleil,
Ainsi il descendra jusqu'à vos racines et secouera leur emprise à la terre.
 
Comme des gerbes de blé, il vous rassemble en lui.
Il vous bat pour vous mettre à nu.
Il vous tamise pour vous libérer de votre écorce.
Il vous broie jusqu'à la blancheur.
Il vous pétrit jusqu'à vous rendre souple.
...
L'amour ne donne que de lui-même, et ne prend que de lui-même.
L'amour ne possède pas, ni ne veut être possédé.
Car l'amour suffit à l'amour.
Quand vous aimez, vous ne devriez pas dire, "Dieu est dans mon cœur", mais plutôt, "Je suis dans le cœur de Dieu".
Et ne pensez pas que vous pouvez infléchir le cours de l'amour car l'amour, s'il vous en trouve digne, dirige votre cours.
L'amour n'a d'autre désir que de s'accomplir.
Mais si vous aimez et que vos besoins doivent avoir des désirs, qu'ils soient ainsi :
Fondre et couler comme le ruisseau qui chante sa mélodie à la nuit.
Connaître la douleur de trop de tendresse.
Etre blessé par votre propre compréhension de l'amour ;
Et en saigner volontiers et dans la joie.
Se réveiller à l'aube avec un cœur prêt à s'envoler et rendre grâce pour une nouvelle journée d'amour ;
Se reposer au milieu du jour et méditer sur l'extase de l'amour ;
Retourner en sa demeure au crépuscule avec gratitude ;
Et alors s'endormir avec une prière pour le bien-aimé dans votre cœur et un chant de louanges sur vos lèvres.
"



La vie de couple et le mariage :

"
Vous êtes nés ensemble, et ensemble vous serez pour toujours.
Vous serez ensemble quand les blanches ailes de la mort disperseront vos jours.
Oui, vous serez ensemble même dans la silencieuse mémoire de Dieu.
Mais laissez l'espace entrer au sein de votre union.
Et que les vents du ciel dansent entre vous.
Aimez-vous l'un l'autre, mais ne faites pas de l'amour une chaîne.
Laissez le plutôt être une mer dansant entre les rivages de vos âmes.
Emplissez chacun la coupe de l'autre, mais ne buvez pas à la même coupe.
Donnez à l'autre de votre pain, mais ne mangez pas de la même miche.
Chantez et dansez ensemble et soyez joyeux, mais laissez chacun de vous être seul.
De même que les cordes du luth sont seules pendant qu'elles vibrent de la même harmonie.
Donnez vos cœurs, mais pas à la garde l'un de l'autre.
Car seule la main de la Vie peut contenir vos cœurs.
Et tenez-vous ensemble, mais pas trop proches non plus :
Car les piliers du temple se tiennent à distance,
Et le chêne et le cyprès ne croissent pas à l'ombre l'un de l'autre.
"


Le plaisir :
"
Le plaisir un chant de liberté,
Mais il n'est pas la liberté.
Il est l'épanouissement de vos désirs,
Mais non leur fruit.
C'est un abîme appelant un sommet,
Mais ni un abîme ni un sommet.
C'est le prisonnier prenant son envol,
Mais non l'espace qui l'entoure.
Oui, en vérité, le plaisir est un chant de liberté.
...
Certains parmi vos jeunes recherchent le plaisir comme s'il était tout, et ils sont jugés et châtiés.
Je ne voudrais pas les juger, ni les châtier. Je voudrais qu'ils cherchent.
Car ils trouveront le plaisir, mais pas lui seul ;
Sept sont ses sœurs, et la moindre d'entre elles est plus belle que le plaisir.
N'avez-vous point entendu parler de l'homme qui creusait la terre pour découvrir des racines, et qui trouva un trésor ?
Et certains de vos anciens se souviennent du plaisir avec regret, comme des fautes commises en état d'ivresse.
Mais le regret est pour l'esprit un obscurcissement, et non son châtiment.
Ils devraient se souvenir de leurs plaisirs avec reconnaissance, ainsi qu'ils se souviennent d'une récolte d'un été.
Pourtant, si le regret les réconforte, laissez-les en être réconfortés.
Et il y a parmi vous ceux qui ne sont ni assez jeune pour chercher, ni assez vieux pour se souvenir ;
Et dans leur crainte de chercher et de se souvenir, ils fuient le plaisir, de peur de négliger l'esprit ou de lui faire offense.
Mais dans leur renoncement même est leur plaisir.
Et ainsi ils trouvent également un trésor, bien qu'ils creusent à la recherche de racines de leurs mains tremblantes.
Mais dites-moi, qui peut prétendre offenser l'esprit ? Le rossignol offensera-t-il la tranquillité de la nuit, ou la luciole celle des étoiles ?
Et la flamme ou la fumée de votre feu sera-t-elle un fardeau pour le vent ?
Croyez-vous que l'esprit soit un étang paisible que vous pouvez troubler d'une perche ?
Souvent, en reniant le plaisir vous ne faites qu'accumuler le désir dans les replis de votre être.
...



Le temps :
"
Vous voudriez mesurer le temps, qui est infini et incommensurable.
Vous voudriez ajuster votre conduite et même diriger la course de votre esprit en fonction des heures et des saisons.
Du temps vous voudriez faire un fleuve, sur la berge duquel vous seriez assis pour le regarder couler.
Pourtant, ce qui est éternel en vous connaît l'éternité de la vie,
Et il sait qu'hier n'est que le souvenir d'aujourd'hui et que demain est son rêve.
Et que ce qui en vous chante et s'émerveille réside encore au sein du premier instant qui dispersa les étoiles dans l'univers.
Qui parmi vous ne ressent point que son pouvoir d'aimer est sans limites ?
Et pourtant qui ne ressent pas cet amour même, bien que sans limites, concentré au centre de son être, et n'errant pas de pensée d'amour en pensée d'amour, ni de geste d'amour en geste d'amour ?
Le temps n'est-il pas comme l'amour, indivisible et sans repos ?
Mais si dans vos pensées vous devez mesurer le temps en saisons, que chaque saison encercle toutes les autres saisons.
Et qu'aujourd'hui étreigne le passé dans le souvenir, et le futur dans le désir

"


La mort :
"
Vous voudriez connaître les secrets de la mort.
Mais comment le trouverez-vous sinon en cherchant au cœur même de la vie ?
Le hibou dont les yeux perçant la nuit sont aveugles le jour, ne peut révéler le mystère de la lumière.
Et si vous voulez vraiment apercevoir l'esprit de la mort, ouvrez grand votre cœur dans le corps de la vie.
Car la vie et la mort sont une, de même que le fleuve et l'océan sont un.
...
Car qu'est-ce que mourir, si ce n'est être debout, nu, 
face au vent et fondre dans le soleil ? 
Et qu'est-ce que cesser de respirer sinon libérer le souffle de ses marées tempétueuses, 
afin qu'il s'élève et se dilate et recherche Dieu sans entraves ?
C'est seulement quand vous aurez bu à la rivière du silence que vous chanterez vraiment.
Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez votre ascension.
Et quand la terre réclamera vos membres, alors vous danserez vraiment.
"

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