28.11.09

Seul face à la mer


Un jour, Dieu seul sait pourquoi, nous nous retrouvons tous face à la mer. Une mer immense, à perte de vue. Une mer calme, paisible en apparence...

Certains sont là parce qu'ils se sont échoués, d'autres y sont d'eux même, poussé par les vents et une volonté qui les dépassent. Mais tous, nous sommes là.

Nous nous retrouvons donc sur cette plage immense, face à cette étrange étendue d'eau qui rythme le temps de ses vagues incessantes. L'horizon est sa seule limite et même le ciel semble se fondre dans les bleus profond de l'eau. La plage est elle aussi immense, aussi bien d'un côté que de l'autre. Il y a un peu de vent, quelques nuages dans le ciel.

D'abord, nous nous décidons à nous relever et à regarder autour de nous. Nous découvrons où nous sommes. Pour certains, la mise en route sera facile, presque comme un jeu. Pour d'autres, elle sera beaucoup plus dure car nous n'avons pas tous la même force au départ. Nos yeux sont bien ouverts, cet endroit est le nôtre à présent, à nous de le découvrir, puisque c'est ainsi.
La mer est déjà là mais nous n'y accordons pas d'importance, elle n'existe pas vraiment, la plage est mieux, plus sûre, instinctivement plus attirante.

Bien vite, on se rend compte que l'on est pas si seul qu'il n'y paraissait, aux premiers abords. Bien souvent, il y a une femme et un homme qui nous tiennes les mains pour nous aider à ne pas tomber. Mais parfois, seule une femme ou un homme sont là pour nous.
Ils nous apprennent à nous tenir debout, à résister au vent et aux bourrasques. Ils nous guident, ils nous rassurent, ils nous protègent aussi. Pour finalement nous aider à nous mettre debout et en route, notre route, par des gestes simples qu'ils ont eux-même appris de ceux qui étaient là pour eux ou par eux-mêmes. Ils essaient de nous protéger du vent et de la pluie tout en nous laissant jouer et découvrir notre nouveau terrain de jeu.
La mer est là mais marcher nous en éloigne et c'est mieux d'être plus loin d'elle.

Bien vite, nous avons envie d'explorer la plage, de voir jusqu'où elle va à proximité. Nous ne pouvons pas nous éloigner de nos guides, nous aurions trop peur. De voir ce qu'il y a derrière cette dune ou dans ce trou, mais pas loin. Voir ce qui se cache dans le sable ou, en creusant un peu plus, ce que la mer à rejeté au fil du temps. Nous restons tout près d'eux tout en découvrant ce qui est à notre portée, sans prendre trop de risque et guidé par le seul plaisir de jouer avec ce "nouveau" monde.
La mer est toujours là, elle nous est familière à présent, elle fait partie de notre paysage même si nous ne nous en sommes pas encore préoccupé du tout.

Nous jouons sur cette plage, d'abord en testant nos envies, nos limites. Nous faisons des trous avant de construire des chateaux, logique, il faut bien faire les douves avant le dongeon. Détruire avant de construire parce que c'est plus facile. Les chateaux deviennent de plus en plus sophistiqués avec les essais, de plus en plus hauts, de plus en plus beaux aussi. D'un vulgaire tas de sable, nous arrivons à présent à faire de belles batisses avec biens des détails.
La mer est toujours là et elle commence à montrer sa force lors des marées, même les châteaux les plus grands sont bien fragiles face à elle. Elle nous fait peur quelque part, sans savoir vraiment pourquoi.

Une fois notre petite zone explorée et nos expériences faites, nous décidons d'aller un peu plus loin sur cette plage, voir où elle s'arrête et jusqu'où elle va en dépit du fait que c'est peut-être dangereux. Les limites sont beaucoup moins claires, il faut les explorer, voir où elles se trouvent. Nous découvrons aussi nos envies et ce qui nous fait du bien, comme ce qui ne nous plait pas comme le sable dans la bouche, le vent froid ou encore l'air humide qui colle aux vêtements. Nous commençons à nous sentir un peu à l'étroit près de nos guides, nous découvrons que nous existons par nous-même aussi et que nous pouvons marcher sans eux même si il ne nous est pas envisageable qu'ils ne soient plus à nos côtés, au cas où.
La mer est là, bien sûr, elle est une limite que nous ne comprenons pas encore bien mais elle éveille notre curiosité autant que la peur.

A force de nous rendre compte que nous jouons de mieux en mieux et que nous pouvons aller de plus en plus loin, nous nous découvrons des possibilités de plus en plus grandes : sauter dans les dunes, s'enterrer dans le sable, se lancer du haut d'un talus de sable... Nous prenons de plus en plus de risques et nous aimons ça. Nos guides beaucoup moins. Et petit à petit, bien que nous les aimons, nous nous éloignons d'eux, nos jeux nous appartiennent... Et la mer en fait partie, de nos jeux. Depuis toujours nous savons qu'elle est là et, même si elle nous fascine ou nous fait peur, nous avons une terrible envie de savoir ce qu'elle est...

Puis vient le moment où nous nous aperçevons que nous ne sommes pas les seuls sur cette plage, il y a d'autres personnes qui marchent le long de cette mer. Certains ont l'air plutôt sympatiques, d'autres moins. Nous les découvrons eux aussi et nous nous rendons compte, finalement, qu'ils ne sont pas si différents de nous. Ils ont sensiblement le même parcours et les même envies. Nous aimons être aux côtés de certains même si eux ne sont pas "nos guides", ils existent et nous aimons jouer avec eux. Ils nous font découvrir bien des choses, amusantes ou moins marrantes. Nous grandissons avec eux, en même temps qu'eux.
La mer continue de ryhtmer nos jeux, nous savons, eux et nous, qu'elle est un élément de notre monde commun, tout comme la plage.
Un beau jour, à force de rencontrer d'autres marcheurs, nous décidons de marcher avec eux pour aller voir encore un peu plus loin ce que la plage nous réserves. Nos guides ne sont pas forcément d'accord mais notre envie de marcher avec d'autres est plus fort, les conflits naissent et parfois nous préférons nettement être avec les autres qu'avec les "nôtres". Certains de ces marcheurs nous parles d'endroits magnifiques ou de zones plus dangereuses, nous rêvons de voir ces lieux que nous ne connaissons pas, parfois en dépit des avertissements de nos guides. L'envie de voir plus loin finit un jour par nous pousser plus loin.
La mer nous semble tellement loin, elle n'est qu'un danger relatif et nous n'y pensons pas vraiment. Nous savons qu'elle emporte avec elle bien des marcheurs au delà de l'horizon, parfois des proches, parfois des anonymes, sans distinction ni raison évidente.

Apres quelques pas loin de nos guides, nous nous appuyons sur d'autres marcheurs et nous nous rendons compte, bien vite, de leur rôles discrets. Nous comprenons le vent, la pluie, les orages même. Les bourrasques, les marrées. Les creux dans les vagues aussi. Et cette plage devient beaucoup moins agréable à vivre, beaucoup plus difficile à supporter sans eux.
Heureusement, nous ne sommes pas seuls et les affinités que nous avons construite, pas à pas, avec les marcheurs qui nous sont proches nous aide à avancer. Nous décidons même parfois de faire de notre route une route commune avec un autre marcheur que nous aimons particulièrement. Nous nous fixons des buts, des objectifs communs. Le vent semble moins dur, la pluie moins froide, les pas moins difficiles ensemble.
Malgré ça, la mer est toujours là, en toile de fond et nous savons qu'un jour ou l'autre, il nous faudra nous mettre face à elle, même ensemble. La plage n'est alors qu'une étape de notre voyage.

Si par chance nous trouvons la bonne personne, peut-être déciderons nous de ne plus marcher seulement à 2 mais à plus. A 3, à 4 ou même encore plus... Nous devenons leur guides, leurs parents.
Nous savons que la mer ne fera pas de distinction entre eux et nous, elle nous attirera un jour vers elle pour un long voyage. Voyage que nous ferons seul.

Ne supportant plus cette plage et ses difficultés, ses règles et ses personnes, certains iront jusqu'à mettre leur pieds dans l'eau en suppliant la mer de les prendre. Ils se jeteront dedans par tant de désespoir. Ils ne verront plus qu'elle. Certains seront pris, d'autres seront rejetés, c'est la mer qui décide qui elle prend et si c'est le moment.

A la fin du parcours, nous nous rendons compte que la mer a fini par nous encercler, qu'elle nous a amené vers elle sans que nous ne en rendions compte. Elle a toujours été là pourtant, nous le savons depuis le départ. Nous savons qu'inévitablement, elle nous prendra, nous aussi. Nous devrons laisser ceux que l'on aime sur la rive et partir vers cet horizon qui nous fait si peur. C'est inévitable, nous en avons vu tellement d'autres partir avant nous. Nous devons simplement l'accepter et nous dire que finalement, c'est bien là la fin de la route.

La mer ne change jamais, elle apporte les nouveaux marcheurs et elles emportent ceux qu'elle décide d'emporter.

C'est ainsi le cycle de la vie... Mais au moment de partir, nous espérons tous pouvoir nous retourner et nous dire que nous avons fait un beau parcours et de belles rencontres. Et, aussi pour certains, qu'une trace d'eux même restera sur cette plage jusqu'à la prochaine marrée. En ayant aussi pris plaisir à marcher et à jouer ensemble...

La vie et la mort sont ainsi faite qu'elle sont inextricablement liée au bord de cette plage. Et aucun de nous ne pourras y échapper... Alors autant en profiter un maximum avant d'être pris !


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