Le Sécheur de Larmes - En projet

Vu l'ampleur que prend ce projet, je mets déjà ici ce qui est fait. Ainsi chacun sera libre de le lire et de donner son avis (constructif si possible). Bonne lecture !!













Le Sécheur de Larmes
Commencé le 01/04/2010






Première Partie : Un Etre à part







Introduction


Aujourd'hui, en rentrant de l'école, ma petite fille de 5 ans m'a posé une question qui, à priori, à l'air toute bête. Mais qui, pour moi, ne l'était pas vraiment. Les enfants ont l'art de poser ce genre de questions si fondamentales sous des airs très simples, très « bruts ».

Elle me dit, encore très excitée de sa journée à l'école :
« Aujourd'hui, Maxime était absent. Parce qu'il avait perdu son Grand Papa cette nuit. Madame nous a dit qu'il fallait qu'on soit gentil avec lui quand il reviendrait dans quelques jours et ne pas l'embêter en posant plein de questions. Que son Grand Papa était mort et que c'était un moment difficile pour lui et pour sa maman. C'était le papa de sa maman que Madame nous a dit. Et que Maxime et toute sa famille devaient être très triste. Dis, Papa, qu'est ce qu'il faut faire quand quelqu'un est triste comme ça ? Tu crois que je peux l'aider à être moins triste, moi ? Car moi Maxime je l'aime bien, j'aimerai pas le voir triste tout le temps. »

Je pris un moment pour lui répondre car j'étais un peu perdu par la nouvelle et surtout par ces questions. C'est la première fois que Léa était confrontée à la tristesse d'un deuil. Elle n'avait jamais été ni de près ni de loin mise personnellement dans la situation de vivre la mort de quelqu'un de proche ou même d'une simple connaissance. Elle avait peut-être 5 ans mais la réalité de la fin de la vie et de la perte l'avait épargnée jusque là. Elle avait eu cette chance, nous étions ma femme et moi toujours là et ses grands parents aussi. C'était peut-être l'occasion de lui expliquer ce sujet délicat. Je lui répondis aussi simplement que possible :
« Tu sais mon coeur, Maxime ne reverra jamais plus son Grand Papa. Il ne pourra jamais plus aller lui parler ou jouer avec lui. Il lui manque déjà je suppose. Comme quand tu sais que tu ne verra plus jamais quelqu'un, tu serai triste toi aussi. Alors, il faut laisser le temps à Maxime pour qu'il repense à son grand-père et apprendre à vivre sans lui. C'est très dur au début, c'est pour ça que Madame vous a dit cela. »

Elle m'interrompit :
« Mais alors, Maxime, son Grand Papa, il ne pourra plus le voir, mais pourquoi ? »
« Parce que, quand on meurt mon coeur, on ne bouge plus, on ne parle plus. Tu es comme si tu dormais, mais pour toujours. Ton coeur ne bat plus, tout ton corps s'arrête. On mets ton corps dans une grande boîte et toi, tu va au Ciel, dans les nuages, on ne te voit plus.»

Elle parût contrariée par ma réponse. La question suivante ne tarda pas :
« Mais Maxime, il pourra encore lui parler si son Grand Papa est au Ciel, dans les nuages ? Et puis, il peut le revoir dans sa tête aussi, il peut repenser à quand il vivait encore, non ? »

« Oui mon coeur, c'est vrai, il peut. Mais ce n'est pas facile de se dire qu'on aura plus la chance de se voir et de se parler, jamais. C'est même très dur alors de se souvenir des gens qu'on a aimé quand ils viennent de partir. Mais avec le temps, on s'habitue à vivre sans eux. Ce n'est pas pour ça qu'on les oublie. Mais la vie ici continue mon petit loup, c'est inévitable de perdre certain de ceux qu'on aime. Et c'est normal aussi d'être triste qu'ils ne soient plus là, de les avoir perdu. »

Sa réponse me surprit.
« Y aurait pas un moyen pour qu'on lui enlève, à Maxime, toute son chagrin pour son Grand Papa ? Qu'il revienne comme avant, quand il n'était pas triste ? Pas qu'il l'oublie mais juste qu'il ne soit plus triste quand on pourra jouer avec lui à nouveau. »

Je lui répondis que non. Sincèrement. Mais une petite voix me dit au fond de moi, que je lui avais menti...

Cela aurait été trop long et cela l'aurait sans doute perturbée si je lui avais racontée cette histoire à ce moment-là. Elle ne l'aurait sans doute pas compris complètement. Mais je me dois aujourd'hui de la coucher sur papier, pour quand elle sera plus grande. Car il y a des choses que l'on peut n'apprendre que quand on est « Grand » et qu'il ne vaut mieux pas savoir trop tôt. Mes mots sont ceux de l'adulte d'aujourd'hui même si cette histoire est ancienne et très personnelle. Difficile pour moi aussi. Mais je vais essayer de la retranscrire le plus fidèlement possible en puisant dans mes souvenirs car je crois que Léa la comprendra sans doute un jour...
Elle saura que c'est pour son bien que je ne lui ai pas dis tout ce jour-là et qu'elle comprendra pourquoi je me suis tû.
Ne m'en veux pas mon coeur.

Une rencontre, un après-midi, sous le Saule


Un jour que je rentrais de l'école, je devais avoir une petite dizaine d’années, je fis une rencontre étrange. Le genre de rencontre à laquelle on ne s'attend pas. Qui ne change pas forcément une vie comme quand on rencontre l'Amour, quand on a un enfant, quand on subit une maladie ou un accident grave ou même quand on perd un être cher.
Une rencontre qui malgré tout ne s'oublie pas. Fruit du hasard ou volonté du destin, elle a marqué ma vie. Influencé celle-ci même d’une certaine façon. Un instant magique, suspendu, une parenthèse de l'existence. Mais dont on ne sort pas indemne même si la trace qu’elle a laissé sur nous n’est pas forcément visible. Encore aujourd'hui, il m'arrive souvent d'y penser, même si à mon tour je suis devenu « adulte », vieux. Quand j'y repense, je me dis que j'ai peut-être vieilli mais pas forcément grandi par rapport à ce qu'elle a éveillé en moi. Et c'est peut-être mieux ainsi finalement. Les beaux souvenirs sont aussi là pour nous rendre le présent plus agréable, je crois.

Il faisait beau ce jour là, le soleil brillait fort même si l'après-midi était déjà bien entamé. La fin de l'année scolaire approchait, les vacances aussi. J'aurais du être heureux, le plus heureux des petits garçons même. Le chemin était paisible, pas très long jusque la maison et comme il faisait beau, je rentrais comme tous les jours à pieds jusque chez moi, retrouver mes parents. Mais avant le Grand Repos bien mérité, il y avait une partie que j’appréhendais et que je ne souhaitais pas voir arriver : les examens. Et ils venaient justement de débuter, à mon grand désespoir...

Je rentrais donc sur ce chemin vert et tranquille, j’abordais la dernière partie de mon périple quotidien, la partie que je préférais, celle où je m’éloignais de la route pour emprunter un tout petit chemin. « Mon raccourci », comme tous les gosses en ont déjà pris dans leur tête, sans doute, en s'imaginant être le seul à le connaître.. Le petit sentier descendait d'abord très fort, vers la rivière. C'était la partie la plus boisée mais aussi la plus à l’écart, celle où l’on disparaît quelques minutes de la vue de « monsieur tout le monde ».

Je longeais donc la rivière qui passait derrière chez moi, l'esprit un peu ailleurs et très inquiet car, les examens avaient débutés depuis quelques jours et aujourd'hui j'avais raté un gros examen à l'école et je savais que mes parents, mais surtout maman, n'allaient pas être contents. Je l'avais vu dans les gros yeux de mon institutrice et mes copains qui avaient mieux fait que moi m'avait charrié toute la journée avec ça. Je me sentais nul, incapable et désespéré car c'était vraiment un contrôle important pour moi. Mon année était foutue. J'étais énervé, déçu mais j'étais surtout triste car je m'étais préparé longuement à cette épreuve, que j'avais, malgré tous mes efforts, complètement loupée. Tout ça pour ça. J'imaginais la déception de maman aussi. J'avais récité ma matière devant elle, fièrement, sans faire la moindre faute, sans même hésiter. Et je m'étais planté. Mon cœur était si lourd. Je me sentais seul et vraiment abattu. Ce n'était pas juste.

Alors, comme j'étais seul, je me laissais aller à pleurer, le cœur gros comme une éponge, prêt à exploser. C'était rare que cela m'arrive. La peine était trop grande pour mon petit cœur de gosse. Et même si je m'étais toujours dis, que les « grands ne pleurent pas », ici, personne ne le saurait, j'étais isolé. Les seuls témoins éventuels étaient les poissons. Donc aucun souci donc qu'on le sache, je pouvais me laisser aller.
Enfin, quand je dis que j'étais seul, c'est ce que je croyais...

Alors que je marchais, traînant les pieds comme une âme en peine, une voix basse mais bien audible m'interpella :  
"Tu pleures petit ?"
Je regardais autour de moi, étonné, cherchant d'où venait ces mots. En cherchant bien, je remarquais, en contre bas de mon chemin, le long du cours d'eau, un homme sur un banc. Il était assis dans l'ombre d'un saule pleureur et semblait absorbé par le cours de la rivière, il ne me regardait même pas. Je ne le voyais pas bien mais je savais qu'il était par là."C'est à moi que vous parlez, monsieur ?" me risquais-je timidement.
Même si ma question était à priori idiote, le bonhomme aux cheveux que je devinais blancs me répondit calmement, d'une voix très douce :
"Oui mon grand, c'est à toi. Tu as l'air bien triste. Qu'y a-t-il ? N'aie pas peur, je ne vais pas te manger tu sais."

J'étais encore étonné par ma rencontre mais pas du tout méfiant car sa voix était douce et agréable. Je fis un pas en direction de la rivière. Même si je ne le distinguais pas vraiment bien, je me rapprochais de lui et du banc sans trop savoir pourquoi.

"Viens t'asseoir un peu près de moi si tu veux, on est bien ici. Tu sais, je viens tous les jours où le temps me le permet et quand mes jambes me portent encore. Je regarde la rivière, les oiseaux, j'aime bien venir plonger mes pensées dans la rivière. Et mes larmes, elle les emporte avec elle quand elles sont trop lourdes pour moi. Elles les emmène loin, ça me fait du bien. Et puis ici, personne ne me remarque, je n'embête personne, c'est calme. Et puis des fois, je remarque les gens qui passent, comme toi. Comment t'appelles-tu petit ?"

Je lui répondis d'une toute petite voix mais j'eus l'impression qu'il ne faisait pas vraiment attention. Son visage était serein avec un léger sourire, rassurant mais discret.
Il semblait avoir les yeux fermés, sans doute éblouis par le reflet du soleil dans l'eau. Il avait de grandes rides qui lui donnait un air gentil mais aussi intriguant. Il ne me regardait pas, il fixait la rivière, toujours, sourire aux lèvres. Il semblait être simplement content d’être là.

Je m'assis à ses côtés, légèrement distant car je parlais à un inconnu, et ça, maman me l'avait toujours interdit. Celui-ci n'avait vraiment pas l'air ni féroce ni d'en vouloir aux enfants. De toute façon, il aurait bien eu du mal à me courir après si le danger s'était présenté.
D'une voix un peu hésitante, je lui expliquais ma catastrophique interrogation à l'école et surtout des conséquences que j'imaginais déjà terribles. J'étais éploré rien qu'à le raconter à ce vieil homme, le chagrin et le désespoir revinrent aussitôt, comme s'ils débordaient de moi.
Le vieil homme prit la parole et d'une voix très douce me dit :« Ah oui, je vois, tu t'en veux. Tu avais étudié, tu aurais pu faire mieux je parie. Mais ça n'a pas été comme tu l'aurais voulu. Tu sais, des fois, ça arrive de rater des choses, même si on fait de son mieux. Ne sois pas triste ainsi bonhomme. Ça ne veut pas dire que tu es mauvais même si tu le pense au fond de toi. L'important est en toi, ce que toi tu crois. Si tu sais que tu as fais ce que tu pouvais, personne ne peut t'en vouloir.»

Pendant qu'il avait dit ça, j'avais relevé les yeux sur lui. Je ne regardais plus par terre, car j'avais peur au départ qu'il me fasse lui aussi des reproches. Ici, il m'avait rassuré, mis en confiance. Je ne lui ai pas montré, j'étais toujours assez méfiant en apparence.

"Tu sais, avant, j'avais un don magique mais secret. Un cadeau arrivé par hasard tu sais, je n'avais rien de particulier, ni rien demandé. Je ne suis pas d'une famille de magiciens ou d'artistes comme tu pourrais le croire peut-être quand je te dis ça. Un magicien qui fait disparaître les lapins et fait apparaître des choses merveilleuses sur demande. Qui se déplace en balais ou qui fait bouger les choses. Ou que sais-je encore. Non, non, rien de tout ça. »

Il s'interrompit un instant puis dit, comme pour lui-même :
« Bien sur que non, je ne suis qu'un vieux monsieur pour toi maintenant... Hé bien vois-tu, à l'époque j'étais juste un petit garçon normal, bien qu'un peu plus timide que les autres, c'est vrai. Gentil, serviable et qui essayait de bien travailler à l'école, comme tous les petits garçons sages, tu vois. Enfin, pas sage tout le temps, il m'arrivait d'être un peu turbulent, « difficile » comme disait ma mère à ma grand mère. Et puis, des contrôles, j’en ai raté moi aussi… L’école n’était pas ma passion mais je ne voulais pas faire de peine à Maman .Et puis plutôt beau garçon aussi, mais l'ignorant complètement auprès des filles. Les filles étaient bêtes et pleuraient tout le temps pour moi, elles n'étaient vraiment pas ma préoccupation quand j'avais ton âge. Toi non plus je parie ? »

Je fis signe « non » de la tête en faisant à mon tour un léger sourire, amusé.
« Vraiment un petit garçon ordinaire, sans histoire. Je n'avais pas beaucoup d'ami seulement, j'étais trop timide pour ça. Et puis, je n'en ressentais pas le besoin. J'avais mon petit monde à moi. J'étais seul maître dans cet univers où vivaient bien des personnages, mes créatures. Je passais des heures à me promener seul près de chez moi, j'observais les choses et je m'imaginais des tas d'histoires fantastiques. Et j'étais heureux comme ça. Enfin je crois car c’était il y a longtemps.  »

« La première fois que je me suis servi de mon don, c'était un peu après avoir perdu mon papa. Je m’en rappelle encore fort bien. J'étais encore petit, pas beaucoup plus âgé que toi je suppose. Ma maman pleurait beaucoup et son chagrin semblait inconsolable. Cependant elle était discrète et ne pleurait jamais devant moi. Elle se voulait forte ma mère. Mais je savais à ses yeux rouges et à son sourire éteint que son cœur devait bien souvent verser des larmes. Et que certaines nuits, son sommeil devait lui aussi pleurer papa. 

Moi aussi j'étais triste que papa ne soit plus là, bien sûr. Mais jamais devant Maman, j'avais trop peur de ne pas me montrer à la hauteur. Il fallait que je sois un « homme » maintenant que papa n'était plus près de nous. Il m’avait fait sentir cela de son vivant. Il fallait que je me montre fort. Alors je ne pleurais pas, jamais.


A la mort de mon papa, pour ne pas embêter maman, je me suis réfugié dans mon monde. Bien sûr les petits habitants de mon univers étaient toujours là. Ils m'ont aidé car je leur parlais en secret, le soir. Ils me rassuraient, ils répondaient à mes questions, ils me changeaient les idées. Ils m’écoutaient surtout, je leur racontais tout. Je vivais bien sans mon papa même s'il me manquait parfois beaucoup. Tu as des amis secrets, que tu es le seul à voir dans ta tête, toi, bonhomme ? »

Je lui fis signe que non, je lui répondis juste :
« Je ne crois pas monsieur. Dans mes rêves, peut-être. Mais ils n'existent pas...enfin, je ne sais pas... »

Je n'avais pas eu le temps de terminer qu'il me dit :
« Oh tu sais, ce n'est pas grave si tu n'en as pas. Et puis tu n'es pas obligé de me le dire, ça ne me regarde pas, c'est moi qui suis indiscret. Mais je croyais que tous les enfants en avaient, moi. Je pensais être comme tout le monde. Mais j'étais peut-être déjà un peu différent alors... C'est peut-être pour ça qu'il m'a choisi. »

Il y eu alors un silence. Je ne savais pas quoi dire même si je le trouvais soudain encore plus étrange. Je ne savais pas si je devais m'en aller ou si je devais lui poser les questions qui me venaient en tête. De qui parlait-il ? Pourquoi avoir été « choisi » ? Et puis, quel « don » cachait-il pour tourner autant autour du pot ?

Je me sentis tout à coup mal à l'aise. J'avais l'intime conviction qu’il voulait me parler de quelque chose. Il avait vraiment touché ma curiosité et j'avais maintenant un étrange sentiment vis à vis de lui. Je ne le connaissais pas mais j'avais envie d'en savoir plus. Il en avait dit trop pour que je m'en aille et pas assez pour satisfaire mon envie de savoir. Je basculais entre la curiosité et le respect du silence soudain de ce vieil homme. C'est lui qui le rompit en me demandant, un peu brutalement :

« Je ne t'embête pas au moins à te parler de mes histoires. Tu ne dois pas rentrer chez toi ? On ne t'attend pas ? Il est déjà tard, je ne voudrai pas te retenir »

Un peu déçu, et surtout très intrigué, je dus bien lui avouer que je devais rentrer. Même si je n'en avais pas du tout envie, l'idée de mon interrogation ratée me revenant soudain en tête. Il le vit d’ailleurs à ma mine défaite. Il me dit alors :
« Tu sais, je suis souvent ici, maintenant on se connaît un peu, n’est ce pas. Tu me retrouveras bientôt pour me dire comment cela s'est passé chez toi. Enfin, si tu as envie, je ne t'oblige pas. On fera plus ample connaissance, je te raconterai mes petits secrets.
Et puis, tu verras, ce ne sera peut-être pas facile de le dire à tes parents mais regarde bien au fond de leurs yeux, tu n'y verras pas de déception comme tu t'y attends. Peut-être seront-ils un peu fâché sur le moment, tristes, mais je suis sûr que bien vite, tu y verras de la fierté et combien ils t'aiment.
Ce n'est pas ça qui te changera dans leur cœur, ce n'est qu'un petit accident sur le chemin, ce n'est pas si grave. Et puis ça t'apprendra aussi à leur avouer tes faiblesses. Si tu y arrives, je t’apprendrai mon don. Mais il faudra que tu arrives de ton côté à faire face à tes peurs. Tu es d’accord ? Reprends toi vite et file, ils doivent être morts d'inquiétude de ne pas te voir rentrer. Va-y, file, bonhomme. Et à très bientôt, j’en suis sûr »

Fausse impression

En rentrant à la maison, maman m'accueillit avec un drôle de « bonjour », ce n’était pas son ton habituel. Elle finissait la vaisselle et me tournait le dos. Je rentrais dans la cuisine comme si j’allais à l’abattoir, prêt à passer un sale quart d’heure. Il y eu un silence qui me sembla très pesant. Je ne savais pas comment lui dire. C'est elle qui lança les hostilités...
« He ben, où étais-tu passé ? Je t’avais dis de rentrer directement après, tu as vu l’heure ? »
Même si c’était bien des reproches et que j’aurais du me sentir encore plus abattu, ces paroles venaient en écho de ce que m’avait dit le vieil homme un peu avant. Elle avait eu peur, c’est vrai. Elle était inquiète, simplement. Comme toute maman.
« Excuse-moi maman, j’ai traîné en chemin, je crois que j’ai raté mon examen aujourd’hui… »
Elle se retourna alors et je ne vis pas dans ses yeux la colère à laquelle je m’étais si bien préparé mais une terrible déception, comme si c’était elle qui avait manqué cette épreuve, à ma place. J’avais comme par magie dissipé sa peur qui était bien plus grande que sa déception finalement.
« Oh, boulou, que s’est-il passé ? Tu avais revu pourtant, pourquoi ça n’a pas été ? »
Sa voix était redevenue douce, celle de ma maman qui cherchait à apaiser mon chagrin, celle que j’adorais. Envolés les reproches et la tension, elle était redevenue en un instant maman, ma maman.
A ce moment là, les paroles du vieux monsieur me revinrent à l'esprit avec une telle force que l'envie de me disculper, de trouver de fausses excuses me sembla tout à fait impossible. Je ne pouvais mentir à maman cette fois, même par omission.
Je lui expliquai en quelques mots que j’avais sans doute voulu aller trop vite, que je n’avais pas bien lu ni compris les questions et que j’avais répondu à côté de ce qui était demandé. Que je pensais bien, après en avoir parlé avec les copains, que j’avais plongé dans le panneau et que finalement, il ne devait pas y avoir grand chose de bon sur ma copie.
Après, je m’en voulais toujours mais j’étais soulagé de l’avoir dit à maman. Je n’avais pas cherché à me défiler, j’avais pris le risque de la décevoir et c’était quelque chose que je n’avais jamais fait devant maman. J’avais fait comme le vieux monsieur avait dit, je lui avait avoué mes faiblesses. Même si cela ne changerai certainement rien à ma note, j’avais l’impression d’avoir franchi une étape.
Maman me regardait avec de grands yeux, je ne l’avais jamais vu avec ce regard là. Elle semblait étonnée (même si elle essayait de la cacher) mais je crois bien avoir vu briller de la fierté au fond de ses yeux. Quand j’ai eu terminé, elle s'assit à la table et me dis, avec une voix que je ne lui connaissais pas encore :
« Tu sais mon grand, cela arrive de se croire tout puissant, invincible, que rien ne peut arrivé. Et que l’on se croit si fort qu’on rate complètement ce qu’on avait envie de faire. Qu'on passe à côté. Je sais que tu avais étudié, que tu connaissais, que tu t’étais préparé, tu connaissais ta matière. Je l’avais revu avec toi hier. Mais je sentais bien au fond de moi que tu étais trop confiant, trop sûr de toi, qu’il y avait un risque. Je ne t’ai rien dit mais je sentais bien que ça n’irait pas si le piège était ouvert devant toi, tu étais près à t’y engouffrer. Cela ne servait à rien de te le dire mais j'avais ce préssentiment. Mon cœur de maman s’est tu pour ne pas t’étouffer de mes peurs. Mais les mamans sentent ça, tu sais, et même très bien.
Ce n'est peut-être pas si grave que tu le crois, c'est ce que j'espère. Tu as d'autres examens, essaie de les réussir. Tu en es capable, tu as travaillé toute l'année, je crois que ça te demandera un effort, comme toute épreuve. Mais essaie d'apprendre de ce qu'il s'est passé aujourd'hui. De prendre le temps pour bien regarder ce qu'on te demande, de bien lire les questions, sentir les pièges devant les fausses évidences. Il faut être le plus malin à ce jeu là et ne pas croire qu'il suffit de déballer tout ce qu'on sait si ce n'est pas ce qui était demandé. Va te préparer pour demain, je suis sûre que tu ne te feras plus avoir. Car tu n'es pas bête, peut-être un peu trop fonceur, comme moi. »

Je lui répondis « oui, maman » d'une toute petite voix alors que mon cœur lui battait fort. J'étais soulagé, comme libéré d'un poids qui me pesait sur la poitrine. Elle ne l'avait pas mal pris, elle comprenait. Elle m'avait elle aussi rassuré, même sous des reproches qui ressemblaient plus à des leçons. Elle ne m'en voulait pas, c'était tout ce qui comptait pour moi.

Je me retournais pour aller dans ma chambre, revoir mon examen du lendemain, relire la liste des questions que mon institutrice avait faite pour nous aider à revoir les points importants. Je la connaissais déjà presque par cœur mais ma mésaventure de ce matin m'avait appris qu'il fallait que je fasse plus que savoir bêtement. Je devais comprendre et ne plus foncer tête baissée.

J'avais fais quelques pas vers l'escalier quand j'entendis maman m'appeler. Je me suis demandé sur le moment ce qu'elle me voulait et mon cœur se pinça. Je fis demi tour et retournais vers la cuisine. Elle était toujours assise à la même place, son visage était cependant un peu différent. Elle me fixa dans les yeux et me dit :
« Tu sais, je suis fière de toi pourtant. Pas que tu penses avoir raté, non. Mais pour la façon dont tu me l'as dis. Tu me l’as dis sans faire de détour, sans tricher. Tu m’as dis ce que ton cœur ressentait sans me mentir, sans chercher à déformer la réalité à ton avantage.
Même si cela n'a pas dû être facile pour toi, même si tu as du te faire petit, tu l'as fais. Et pour ça, je suis fier de toi car je sais que je peux te faire confiance. Tu ne m’as pas menti ou caché cet échec. Tout le monde aurait eu tendance à ne rien dire, histoire d'éviter de se faire gronder. Ce n'est agréable pour personne d'avouer ses fautes, tu sais. Tu as passé ta peur, tu as grandi à mes yeux.
Je dirai à ton père que tu as fais de ton mieux mais que tu ne sais pas si tu as réussi, ce sera mieux pour lui. Mais moi, je serai là pour te défendre si tu as réellement échoué.  Prépares-toi bien pour demain et tu verras, tout se passera bien. Si tu veux, tu viendras près de moi une fois que tu seras prêt, je te ferai réciter tes questions. Mais attention, je serai plus attentive à la façon dont tu me réponds aujourd'hui.»

Elle avait retrouvé le sourire, il n'y avait plus de déception ni de tristesse dans ses yeux, j'avais réussi cette épreuve là. Je m'étais montré « grand » et pourtant vrai face à elle. Je découvrais une complicité avec maman, comme si nous étions liés encore plus qu'avant. Et en plus, elle était fière de moi. Je me sentais le plus grand des petits garçons...



Hari

L'examen du lendemain se déroula sans encombre, j'avais bien évité tous les pièges et je pensais avoir répondu à tout ce que je savais. J'étais assez content de moi. Content que ce soit passé et assez satisfait de ma copie. Mais surtout, j'étais content de rentrer chez moi.

J'espérai en secret depuis ce matin revoir « mon vieux monsieur » dont j'ignorai encore même le nom. Lui raconter comment j'avais parlé à maman, comment elle avait réagit, comment finalement cela c'était passé. J'étais curieux de savoir ce qu'il en dirait, surtout après les quelques phrases mystérieuses qu'il m'avait dite sur la fin. Et puis, il avait un côté énigmatique que ma curiosité ne pouvait ignorer. J'y avais pensé plusieurs fois hier soir, après mes révisions et je m'imaginais déjà bien des choses sur ce curieux personnage, sorti de nulle part. Il avait vu si juste dans la façon de réagir de maman, il avait presque prédit ses phrases mais surtout son regard. J'en étais troublé.

Je me préparais à quitter la route et à m'engager sur « mon » chemin habituel, à contourner le gros arbre pour m'élancer sur « mon »  raccourci  quand je m'aperçut que j'étais bien plus tôt que la veille. Je n'avais pas eu de difficultés aujourd'hui, tout avait été comme sur des roulettes et je n'avais pas pris tout le temps disponible. Et si lui n'était pas encore là ? Si justement aujourd'hui, il ne venait pas ? La question me traversa l'esprit et un gros doute m'envahit. Le temps y était. J'espérais tant le revoir...

Je fis quelques pas dans le chemin, les ombres étaient partout à cette heure de la journée. Il faisait encore beau et la chaleur était bien moins forte à l'ombre des grands arbres. Je m'en aperçut seulement à ce moment là. En plus de me cacher des gens de la route, il y faisait bon, presque frais.

Mes yeux scrutaient avec attention en vue du banc, j'avais vraiment peur qu'il ne soit pas là, que je sois trop tôt. Presque comme si j'avais manqué un rendez-vous. Je ne l'avais vu qu'une fois et pourtant, je désirais tant lui parler à nouveau, c'était presque bizarre comme réaction.

J'essayais déjà de me raisonner quand j'aperçus une silhouette sur le banc. Je ne savais pas si c'était lui mais j'étais sûr qu'il y avait quelqu'un. Le doute revint, l'espoir aussi. Je continuais à avancer quand je vis plus clairement qu'il n'était pas seul. Il y avait un chien, assez gros, avec lui. Mon bonhomme n'avait pas de chien... Je ne l'avais pas vu, hier. Donc ça ne pouvais être lui. Le chien était sombre et couché aux pieds du monsieur, je les voyais tous les 2 à contre jour avec le reflet du soleil dans la rivière. Je plissais les yeux pour voir mieux mais tout en essayant de ne pas me faire remarquer. La lumière était trop forte, les contrastes trop intenses pour que je distingue vraiment qui ils étaient. C'était plus une forme sombre dans un halo de lumière que de vraies personnes.

J'étais tellement déçu que ma tête a dû profondément changer en cet instant. Toutes mes bonnes nouvelles et intentions s'envolèrent en une seconde, mon rythme de marche ralenti et mon regard retourna, comme hier, sur mes pieds. Je me sentis très seul, comme si je n'avais vraiment plus personne autour de moi, comme si toutes mes belles choses de la veille et d'aujourd'hui ne profiteraient jamais qu'à moi.


Arrivé un peu plus loin, je ne regardais plus la rivière du tout, ni l'homme et son chien, ni quoi que ce soit. Mon regard et mon esprit était de nouveau repartis vers de sombres territoires, à des kilomètres de moi. J'étais triste qu'il ne soit pas là. Il n'avait peut-être pas voulu aller s'asseoir là vu qu'il y avait quelqu'un d'autre déjà. Il avait peut-être fait demi-tour ou simplement fait une ballade plus courte, à cause de ses jambes. Je lui cherchais déjà toutes les excuses pour ne pas lui en vouloir. Car je lui en voulais, sur le moment. J'avais fais ma part du contrat et lui n'était pas là. J'avais l'impression, furtive mais bien réelle, qu'il m'avait quelque part trahi. Mais je ne voulais pas l'admettre.

J'avais à peine dépassé le banc que j'entendis l'homme dire comme à son chien :
« Je crois que nous avons de la visite, mon ami... »

Je ne détournais pas la tête car je ne voulais pas être curieux. Et puis je n'étais pas sûr de ce que j'avais entendu. Je continuais ma marche quand il dit, plus fort cette fois :
« Tu es plus tôt aujourd'hui, on dirait que ça c'est mieux passé... »

Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. J'avais reconnu sa voix, c'était bien lui. Ma déception et ma colère disparurent d'un coup, comme emporté par ces mots. Je me retournais de suite vers lui, un sourire jusqu'aux oreilles. J'avais envie de courir vers lui tant j'étais heureux de cette simple phrase. Je m'approchais du banc avec de grands pas tout en lui répondant :
« Oh oui, beaucoup mieux, merci... »

Arrivé à sa hauteur, j'ai vraiment eu envie de le prendre dans mes bras. Il me le fit remarquer, à sa façon...
« Tu sais, on se connaît, je t'ai dis hier, je ne mords pas. Et lui encore moins... N'aie pas peur », en montrant le chien que je regardais distraitement.

Les paroles vinrent alors toutes seules. Je lui racontais en détails mon retour à la maison, comment j'avais tout dis à maman et comment elle avait réagit. J'insistais surtout sur le fait que j'avais bien rempli ma mission de ne rien lui cacher, que j'avais été « grand » aux yeux de maman. Je lui dis qu'il avait eu raison dans ce qu'il m'avait dit. Sous entendant que j'attendais mon reste, sa part d'explications aussi... Comme après un tour de magie, je voulais savoir son « truc ».

Sa seule réponse à mon histoire fût :
« Je te félicite mon grand, on peut dire que tu as bien réagit, que je n’ai pas servi à rien pour une fois. Même si c’est toi seul qui t’es montré à la hauteur du défi. C’est très bien ce que tu as fais. »

Il fixa alors la rivière, comme la veille. Caressa son chien qui dormait toujours. Puis me posa une question qui me troubla énormément :
« Dis moi, t'attendais tu à me revoir ou pas ? Crois-tu au hasard des rencontres ? Réponds moi sincèrement »

Je répondis, avec toute la sincérité mais le sérieux possible des mes dix ans, que « oui ». Je ne m'étais pas attendu hier à le voir, c'était par hasard qu'il m'avait vu pleurer et c'est par tendresse ou compassion que nous nous étions parlé. C'est ainsi que je voyais les choses, je ne pensais pas à une autre explication. Il sourit alors plus franchement.

« Eh bien, vois tu, moi pas... » me répondit-il en laissant planer le doute sur la suite de ce qu'il allait dire.

« Et puis, je ne pense pas t'avoir dit comment je m'appelle hier. Ni même que j'avais un chien. Nous n'avons vraiment pas fait les présentations dans les règles. C'est vrai qu'il y avait urgence hier, tu étais bien triste. Et je ne suis pas sûr que mon nom aurait pu calmer ton chagrin en aucune façon. Tu sais, je m’y connais en chagrin. Tu n'y aurai peut-être plus pensé si tu n'avais pas à te poser la question. Et c'est peut-être ce qui fait que tu as voulu me revoir. Qui sait...

Et bien, moi c'est Hari. Tu pourras ainsi peut-être me poser plus de questions qu'hier maintenant que tu sais comment je m'appelle. Ça t'as peut-être gêné que je ne te le dise pas… Difficile de parler de quelque chose ou à quelqu'un quand on ne sait pas comment on doit les appeler. Mettre des mots, des noms sur des gens, des objets ou même des images dans ta tête, c'est important. Peut-être plus important que tu ne le penses sans doute. Et puis, ça distingue les choses entre elles. Je ne suis plus « Monsieur », je suis Hari. »

Il se posa ensuite un silence dont, je m’en rendis bien vite compte, il avait l’art et la manière de se servir. A chaque étape importante pour lui, il laissait toujours un silence, comme si il attendait que les mots se déposent doucement dans l’esprit de celui à qui il parlait. J’aimais beaucoup finalement sa façon de me parler. Il était calme, tranquille mais surtout, je sentais qu’il voulait me raconter quelque chose. Et pour cela, il disposait chaque parole comme des pierres quand on bâtit quelque chose de solide. Le temps d’arrêt était chez lui volontaire, il ne cherchait pas ses mots. Il les plaçait. Je le savais même si je ne voyais pas forcément où il voulait en venir. Déjà hier, j’avais ressentis cela. Et cela m’avait fait fuir. Aujourd’hui, je le comprenais mieux et ça me donnait envie de rester.
« Tu as fais ce que je t’avais demandé, c’est très bien. Maintenant, tu attends sans doute que je te raconte mes secrets. Tu sais, je sens bien que tu attends quelque chose de moi, ta manière de me raconter tes petits tracas parle pour toi, même si tu ne le dis pas ouvertement. Avec l’âge, j’ai appris à écouter le silence et à sentir, plus qu’écouter, ce qu’on me racontait. 
Et puis, aujourd’hui, nous avons le temps, tu n’es plus attendu. A ton tour de me poser une question, je sens que tu en as des tas. Je crois que je me devrais de te répondre avec la même sincérité que toi. Va y, lance toi… Enfin si tu veux, je te rappelle, je ne t’oblige pas.»

Je réfléchis très vite car les questions étaient nombreuses et bien plus difficiles qu’à l’examen de ce matin finalement. Et ici, c’était à moi de les poser. Je voulais savoir tant de chose de Hari que je ne savais pas trop par où commencer… Je débutais donc par ce qui me semblait le plus important :
« Vous m’avez dis hier que vous aviez un don, un pouvoir… »

Je n’avais même pas eu le temps de formuler complètement ma question qu’il partit dans un grand éclat de rire, si spontané qu’il me fît sursauter. Je ne sais pas pourquoi mais je me senti vexé car c’était ma première question et il en riait. Je n’avais pas si je devais continuer ou pas, préciser ma pensée. C’est lui qui finalement finit ma question…
« … et tu voudrais savoir ce que je sais faire que les autres ne savent pas. Car c’est ça un pouvoir, un don. Ce que j’ai d’extraordinaire. Tout d’abord excuse moi d’avoir ri mais je ne pensais pas que ton esprit de petit garçon aurait été si fortement marqué par ces mots là. Tu sais, ils n’ont pas du tout la même connotation pour toi que pour moi. Mais je vais te répondre puisque je vois que ça t’intéresse tant mon grand. J’ai été, bien malgré moi, chargé d’une mission magique mais qui devait restée secrète. Aujourd’hui je suis vieux, donc je peux en parler. J’étais ce que j’appellerai « un Sécheur de Larmes ».

Devant mes yeux encore plus perplexes, il sourit comme si il savait qu’il avait de nouveau piqué ma curiosité au vif. Tout mon visage devait lui dire « un quoi ? » Bien que je comprenais à priori ce que voulait dire ces mots, j’étais sûr que je n’étais pas au bout de mes surprises, qu’il y avait autre chose. Il enchaîna :

« Bon, laisse moi te raconter tout depuis le début, ce sera mieux pour que tu comprennes bien. Tu veux bien ? Il te faudra être un peu patient et puis, tu sais, tu es le premier à qui je le raconte, autant que je n’oublie rien. Ma mémoire est vieille et chargée, les choses ne sont plus aussi nettes qu’auparavant. C’est l’âge qui veut ça, tu comprendra quand tu deviendra vieux. Et que tu ne te fasses pas de fausses idées surtout. Ce serait dommage que tu sois déçu à la fin. Enfin, même si c’était le cas, j’espère qu’elle t’apprendra tout de même certaines choses. Comme hier pour toi. On apprend toujours tu sais. Mais allons y doucement, veux tu. Si tu as des questions n’hésite pas à me les poser. Et si mon histoire ne t’embête pas, essaye d’abord de bien m’écouter mon grand. »



Deuxième Partie : L’histoire du Sécheur de Larmes



Les premières années

Comme toute les bonnes histoires, la mienne pourrait commencer par « Il était une fois » et finir par « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Malheureusement, autant te le dire de suite, la mienne n’a pas vraiment eu ces mots-là pour l’illustrer. Pas que je m’en plaigne mais disons que je n’ai pas vraiment rencontré que des fées dans ma vie et que je n’ai pas combattu que des dragons. C’est pas pour cela qu’il n’y a rien eu de magique mais j’avais un destin bien éloigné des princes et des chevaliers. C’est ainsi, ce n’est que ma vie, tout simplement.

Comme je t’ai dis, je suis né dans une famille ordinaire, un petit garçon tout ce qu’il y a de plus normal, entouré de l’amour de ses parents. Les premières années de ma vie ont été belles, je ne peux pas le nier. Nous habitions à la campagne, dans une ferme et mes parents vivaient dans un certain isolement de fait. Ils n’étaient pas malheureux cependant, ils étaient très attachés l’un à l’autre, dans une certaine harmonie. Chacun dans son rôle aussi bien dans le travail que en amour. Je me suis souvent dis qu’ils avaient un pouvoir eux aussi, celui de se dire des choses sans même se parler.

La ferme comportait une centaine de bêtes. Des moutons surtout. Quelques poules, deux canards mais le cheptel principal étaient composé de moutons. Cela nous suffisait pour vivre. Mon père travaillait énormément et comme j’étais le seul enfant, il n’avait de cesse de m’initier au travail de la ferme. Il me prenait partout avec lui dès que j’ai pu tenir sur mes 2 jambes, il me gardait sur le tracteur ou sous un arbre pendant que lui travaillait. Ou dans l’étable lors de la tonte. Il avait l’air si fier et si fort. Je ne l’ai jamais entendu se plaindre ni de son travail ni de quoi que ce soit. C’était un travail dur, qui ne lui accordait que très peu de temps libre. Il semblait heureux ainsi pourtant, très heureux même.

Nous n’avons jamais manqué de rien et les moments en famille se résumaient bien souvent au souper, à nous 3. Les journées commençaient tôt, elles se finissaient tard pour eux mais jamais mes parents ne m’ont fait ressentir cela. Ils m’ont toujours élevé en parallèle avec la ferme et je ne me suis jamais vraiment senti mis de côté ou comme une charge pour eux. Ils se partageaient les tâches et je n’avais pas l’impression du tout d’en être une.

Et puis, papa était toujours là pour moi, tous mes souvenirs liés à lui sont beaux. J’aurai pu avoir un père absent à cause du travail mais ce ne fût pas le cas. On aurait dit qu’il savait qu’il n’aurait pas le temps de me voir grandir et qu’il voulait remplir son rôle de père, même dans des conditions pas évidentes, au maximum. Dès qu’il le pouvait, il jouait avec moi et ce dès mon jeune âge. Plus tard il me parlait en « homme », comme si j’étais son complet prolongement, son égal, son ami et confident. Bien sûr, il se fâchait quand je n’étais pas sage mais il savait aussi être câlin et tendre. Il me montrait et m’expliquait les choses, simplement. Il me guidait, pas à pas, dans un profond respect déjà.

Bien sûr, j’adorai ma maman aussi. Mais elle avait plus un côté protecteur, plus rassurant. Je me sentais liés intimement à ma mère par un amour très profond. Maman était l’évidence et papa la découverte. Elle était la fusion, papa était l’ami. Elle était la tendresse, papa l’autorité douce.

Je les aimais tellement tous les 2. J’étais comme tous les petits garçons plus dans les bras de maman, je ressentais plus le besoin de tendresse vis à vis d’elle. Si je me faisais mal ou si j’avais du chagrin, c’est à elle que j’en parlais, vers elle que je me tournais instinctivement. J’avais énormément d’amour pour maman. Mais pas le même que celui que j’avais pour mon père. Ils m’apportaient chacun leur amour et j’ai vraiment baigné là dedans jusqu’à la mort de papa.

Comme je t’ai dis aussi, je n’avais pas beaucoup d’amis. Enfin d’amis « réels », j’avais bien des copains, des voisins (lointain vu que nous habitions une ferme) avec qui je jouais à l’occasion. Mais pas d’amis avec qui je me sentais le besoin de partager vraiment des choses. J’ai grandit dans un cocon, préservé de l’extérieur. Mon monde était dans ma tête et mes amis se trouvaient là, toujours avec moi. Je n’avais pas besoin de grand chose pour être heureux, j’imaginais tant et tant de choses que je ne m’ennuyais quasi jamais. Je n’avais d’ailleurs pas trop besoin de jouets. Je les faisais moi-même, je les trouvais lors de mes expéditions ou lors de bricolage.

Je changeais de rôle si facilement dans ma tête, j’avais mes personnages fétiches, mes scènes épiques et mes tragédies même bien avant d’en connaître le sens exact. Mon imagination était telle que je pouvais être absorbé pendant des heures par deux bouts de bois desquels je faisais tour à tour des combats d’épées et alors les ailes d’un avion. Vraiment, il ne me fallait pas grand chose pour être heureux dans mes jeux. Je me souviens encore la réflexion de maman quand je lui racontais mes exploits et qui me disait : « mais où va tu chercher tout ça, mon grand ! »

Malgré mon jeune âge, Papa m’avait appris quelques principes, quelques rudiments de la vie. « Pour plus tard », comme il aimait à me le rappeler souvent. Car pour lui, il était évident que mon avenir était là, à la ferme. Que j’allais reprendre l’exploitation une fois qu’il serait trop vieux, cela ne faisait aucun doute pour lui. Le temps a pourtant décidé pour lui.

Car il travaillait peut-être à la ferme mais pas par choix, plutôt par conviction. Il aurait pu faire bien d’autres choses de sa vie mais c’est cela qu’il voulait, peut-être plus que Maman qui elle était plus attirée par la ville. Il avait fait des études où il était un bon étudiant. C’est d’ailleurs à l’école qu’il avait rencontré maman. Il aurait pu faire un autre métier mais c’était celui-là qu’il voulait. Et celui-là qui, un jour, allait me le prendre à tout jamais.

Maman était heureuse aussi mais pas autant que papa. Bien souvent je me suis demandé si elle n’avait pas rencontré et aimé mon père comme elle l’a fait, si elle n’aurait pas choisit une autre vie, beaucoup plus proche des autres. Sa famille lui manquait, pas à mon père. Mon père avait un vrai rapport avec la nature, il en avait viscéralement besoin.


L’isolement était pour lui une source intarissable de forces et d’émerveillement. Les autres personnes ne l’intéressant que peu finalement. C’était un vrai choix de vie qu’il avait fait, j’ignore les causes mais j’ai toujours supposé qu’il avait dû être bien seul avant de rencontrer maman. La famille n’avait pas un sens large pour lui, cela se limitait à ceux avec qui il vivait. Il n’avait pas eu de famille pour l’écouter. Et il n’en parlait jamais. La solitude laisse des traces et des blessures même quand on cherche à les guérir et les cacher.

Il ne parlait que très peu de quand il était petit, de ce qu’il aimait et ce en quoi il croyait. Il fonctionnait par principe, par réelles convictions. Sans demi mesure, sans chercher à plaire, avec qui que ce soit. La force, pour lui, c’était ça. Les 2 seules personnes au monde pour qui il éprouvait un véritable amour étaient ma mère et moi. Nombreuses sont les fois où je l’ai entendu le répéter, les soirs où il étaient fatigué et où le moral n’y était plus vraiment. Il s’est battu pour nous, pour que nous vivions bien. C’était vital pour lui.

Nous étions heureux, tu sais, vraiment heureux. J’avais l’impression que nous étions dans une espèce de bulle d’amour, à nous 3, que rien ni personne n’aurait jamais pu faire exploser. Quand je repense à cette période, je me dis que j’avais quelque chose que je n’ai plus jamais eu après : la liberté.

Et puis, tout allait bien dans le meilleur des mondes jusqu’à ce soir de juillet. Cette nuit où j’ai perdu une partie de moi, une partie de mon âme et où une partie de mon cœur s’est éteinte, brûlée par la foudre, noyée sous des flots de larmes et enlevée par les éléments. A tout jamais.


L’orage

Je me souviendrai de cette journée et de cette nuit jusqu'à mon dernier souffle. Tant elle m'a marqué, changé. Je me suis rendu compte qu'il y avait des moments dans la vie qui font qu'elle n'est plus jamais comme avant une fois qu'ils se sont produit. J'ai appris ce jour là que la vie peut aussi reprendre et ne pas faire que donner.

Il avait fait très chaud ce jour-là, presque étouffant. Nous étions début juillet et les jours se ressemblaient très fort depuis le début des congés scolaires. Le scénario était quasi invariablement le même : la journée était progressivement de plus en plus chaude et se terminait immanquablement par de violents orages. Ce jour-là était un des plus chaud, si pas le plus chaud de cet été-là. Il faisait littéralement étouffant.

J'avais joué une bonne partie de la journée dehors avec le tuyau d'arrosage de la cour, à moitié nu. J'avais fini trempé des pieds à la tête, avec le consentement tacite de maman. Elle m'avait regardé du coin de l'œil, craignant sans doute que je ne rentre dans la maison ainsi. « Sèche dehors, je ne veux pas de toi plein d'eau ici, je viens de nettoyer » Elle répétait cette phrase à chaque fois que j'étais trempé, donc souvent depuis le début de mes vacances. J'étais comme les reptiles, je séchais au soleil, allongé sur un banc, en attendant que vienne le repas du soir.

Papa était parti tôt ce matin et je ne l'avais pas encore vu aujourd'hui. Il avait des problèmes avec un abri qui était le long de la rivière qui menaçait de s'effondrer. Il en parlait à maman quasi tous les soirs et je voyais bien qu'au fil des jours, cela le tracassait de plus en plus. Il avait déjà perdu 2 bêtes suite aux crues, elles s'étaient jetée dans la rivière affolées par la foudre et la pluie. Il craignait sans doute que, sans cet abri, le reste du troupeau ne fasse la même chose et qu'il ne perde une bonne partie de celui-ci. Il fallait qu'il répare au plus vite, il y consacrait ses journées depuis plusieurs jours maintenant. Et à chaque orage, ses réparations de fortunes ne tenaient pas, c'était de pire en pire. Dieu sait qu'il y travaillait, avec ses moyens. Seul.

La rivière avait, ces jours-ci, fortement montée suite aux orages répétés. Et elle venait envahir par endroits un des champs de mon père. Une bonne partie de son élevage se trouvait là-bas. Le terrain était escarpé mais surtout très découvert. Et les endroits où se réfugier relativement rare. Surtout pour autant de bêtes affolées. Il aurait pu les changer de champs ou trouver une solution de rechange mais il avait choisit de réparer l'abri qui se situait vraiment en bord de cours d'eau, dans le bas du terrain. Le terrain avait commencé à glisser car l'eau avait dévalé par trombes vers la rivière. Il tenait absolument à réparer. Il avait sans doute ses raisons. Il savait se montrer entêté, ma mère me l'avais souvent dit...

La fin de l'après-midi approchait quand mon père rentra à la maison. Il avait une drôle de tête, il semblait tracassé et très fatigué. Il ne manqua pas cependant de me dire bonjour et de me serrer dans ses bras. Il avait une barbe de plus de 3 jours et je ne ratais pas l'occasion de lui faire remarquer par un « tu piques ! » qui d'habitude le faisait rire. Mais ici, il ne rit pas, il ne répondit même pas. Je compris qu'il n'avait pas l'esprit tranquille, qu'il y avait vraiment eu quelque chose. Sa journée n'avait pas été bonne, cela se sentait. Il rentra dans la cuisine et je l'entendis dire quelques mots à ma mère. J'étais toujours dehors et je n'entendis pas ce qu'ils se disaient. Maman eu l'air tout à coup fort inquiète.

Le souper se passa dans un profond silence, pesant. Je n'osais rien dire et comme mes parents ne se parlaient pas, je n'osais pas lancer la discussion. Les visages étaient fermés, tracassé et je sentis monter une peur. Ma mère demanda juste une fois si nous voulions encore quelque chose, mon père se contenta de hocher la tête pour lui dire non. Ça ne lui ressemblait vraiment pas et ça me tracassa encore plus.

Après quelques minutes, il dit une phrase qui déclencha une angoisse terrible et prémonitoire chez moi :
« Bon, je vais y retourner, je dois finir avant l'obscurité. On annonce encore des orages pour cette nuit et je n'ai pas envie que cela tourne au massacre. Il faut vraiment que j'y aille, je rentrerai sans doute tard. »

Ma mère acquiesça de la tête mais je vis bien qu'elle était inquiète et pas du tout ravie de revoir mon père partir si tard, avec le risque d'orage.

Il se tourna vers moi :
« Et toi, mon grand, écoute bien maman, je ne serai pas là pour quand tu iras au lit. Tu es grand, ne discute pas quand on te dira d'aller te coucher. Et ne t'inquiète pas, demain nous irons nous 2 jusque là, j'irai te montrer le nouvel abri. »

Il se leva, pris sa veste (en cas de pluie) et embrassa ma mère. Ensuite il me prit dans ses bras et me fit un baiser sur le front.
« A demain bonhomme, soit sage ».

Et il quitta la maison.

Le silence tomba sur ma mère et moi, nous ne savions quoi nous dire mais nous étions inquiet de le voir repartir ainsi. La chaleur n'aidait pas à être détendu mais il y avait dans l'air une tension quasi palpable. L'attente de son retour commençait et elle allait être longue, la plus longue de toute ma vie.

Je n'ai pas joué ensuite, je me suis juste assis dans la cour, les yeux dans le vague. Maman est restée à l'intérieur, nous ne nous sommes pas parlé. J'ai attendu que maman me dise d'aller dormir. Et vu que le temps commençait à tourner à l'orage, elle ne tarda pas à me faire rentrer pour me mettre dans mon lit.

Les nuages arrivaient de partout, de gros et lourds nuages chargés de pluie mais aussi de tonnerre et de vents. Nous sentions que ce serait violent ce soir et avec papa dehors, nous n'étions aucun des 2 rassurés. Même si aucun des 2 ne voulait le dire à l'autre, nous aurions préféré que papa soit là, près de nous.

Un peu après que je sois dans mon lit, l'orage éclata. D'une violence rare, des trombes d'eau s'abattaient sur la maison et sur les environs. Je voyais de ma fenêtre des éclairs qui striaient le ciel et le colorait d'un bleu très angoissant. Si mon père était encore dehors, il ne devait pas avoir facile car l'obscurité due aux nuages était forte, juste brisée par une multitude d'éclairs menaçants. La pluie, des gouttes énormes, balayait tout, poussée par des vents d'une rare violence. C'était l'enfer dehors et mon père se battait sans doute encore. J'espérais qu'il rentre ou qu'il soit en chemin, à l'abri. J'avais très peur pour lui, peur qu'il ne lui arrive quelque chose, vraiment. Je fini par m'endormir avec l'espoir de le serrer dans mes bras à mon réveil.
Le lendemain matin, je me réveillais seul. Il n'y avait personne dans la maison ni aux alentours. Maman n'était pas là, ce qui n'était pas normal. Il y avait juste un mot sur la table de la cuisine qui disait :
« Hari, je suis allé voir après Papa. Ne t'inquiète pas, je reviens vite. Reste bien à la maison et attend moi. Maman »

Ce mot me fit peur, il se passait quelque chose, Papa avait eu des ennuis. J'étais mort d'inquiétude, une multitude de scénario me passaient en tête, des plus optimistes aux plus noirs.

Je déjeunais seul, plus par habitude que par faim. J'avais une boule au sommet de l'estomac et mes mains tremblaient légèrement. J'avais du mal à contenir ma peur, j'essayais de la combattre en gardant mes habitudes, mes rituels. Mais aujourd'hui, mes pensées étaient dehors et elles étaient noires.

Un peu plus tard, j'entendis une voiture dans la cour. C'était une grosse voiture blanche. 2 hommes en descendirent, accompagné de maman. Son visage était pâle, ses yeux très cernés et rouges. Elle semblait abattue, profondément triste et choquée. Je ne l'avais jamais vue comme ça. J'eu très peur. En me voyant, elle éclata en sanglot et je su qu'il était arrivé quelque chose de grave à Papa.

Ils rentrèrent tous les 3 dans la pièce. Un des 2 hommes était plutôt jeune, grand, le visage fin et le regard absent. Il semblait mal à l'aise mais il essayait de le cacher derrière une certaine désinvolture. L'autre, nettement plus âgé avait une moustache et nettement plus de poids. Ses cheveux grisonnant lui donnait un air que, en d'autres circonstances, j'aurai trouvé sympathique. C'est lui qui s'avança vers moi, mis un genou à terre pour se mettre à ma hauteur et me dit :
« Écoute mon grand, ton Papa a eu un accident. Un très grave accident. Il ne reviendra plus. Ton papa est décédé. Prends soin de ta maman mon bonhomme. Je suis désolé. »

Maman plongea alors sur moi pour me prendre dans ses bras et s'effondra totalement en larmes. Elle criait que ce n'était pas possible, que ce n'était pas juste. Elle semblait complètement désemparée, noyée par le chagrin, comme un peu folle car son discours était incohérent pour moi. J'étais pétrifié dans ses bras, elle me serrait si fort, je n'osais rien dire ni rien faire. Pas un mot ne sorti de ma bouche, j'étais comme spectateur d'une pièce où j'aurai du être l'acteur principal. Je ne comprenais pas ce qui arrivait, vraiment.

Les jours qui suivirent furent les plus déstabilisants que j'ai jamais vécu dans mon enfance, les plus tristes aussi. On ramena le cercueil dans lequel était Papa dans la salle à manger que l'on aménagea avec des fleurs et des tons très sombres. Des tas de gens débarquèrent à la maison pour réconforter maman en lui parlant de Papa, en pleurant avec elle quelque fois. Je ne les connaissais pas, je ne les avais jamais vu pour la plupart. Beaucoup de personnes me disait qu'il fallait que je sois « fort » pour maman, comme Papa me l'avait toujours dis. Puis d'autres phrases qui sonnaient comme des leçons de morale, parfois teintée d'hypocrisie et de mélancolie. Tout le monde parlait de Papa avec des grands mots. Moi, je ne comprenais pas comment ils pouvaient dire ces choses là car Papa ne m'en avait jamais parlé, je ne les connaissais pas.


Moi, je regardais ça avec recul car je ne comprenais pas encore que je ne reverrai jamais plus mon père. J'aurai aimé qu'il soit là, c'est vrai. Cette boîte me le cachait et j'ignorai ce qui lui était arrivé vraiment. On m'a juste dit qu'il était mort, ce qui ne voulait absolument rien dire pour moi. Et je ne savais absolument pas comment réagir.
Je n'étais pas vraiment triste, pas vraiment différent. Papa n'était plus là, « il faudrait bien faire sans lui » me disais-je souvent. Mais il me manquait déjà, terriblement.

Le jour où l'on a mis son corps en terre, non loin de la maison, j'ai réalisé que je ne le verrais jamais plus. Mais personne n'est venu m'expliquer ni m'aider à comprendre. Je n'ai pas pleuré, je n'ai rien dis. J'étais là sans savoir quoi faire, sans savoir quoi dire. Je m'efforçais à être sage au point d'être quasi invisible aux yeux des Grands. Je suis resté près de maman toute la cérémonie. Nous n'étions pas nombreux. Je regardais beaucoup autour de moi car je n'avais jamais vécu ça. J'avais tant de questions à poser mais tous ces gens avaient l'air si accablé, maman la première, que finalement je me suis tu.

J'ai demandé aux habitants de ma tête de me l'expliquer, de me répondre comme ils me l'avaient toujours fait. J'acceptais bien que Papa était parti mais je ne comprenais pas pourquoi ni où il était vraiment. Il m'avait dit « à demain » et il n'était pas revenu, je ne comprenais pas. Et je ne voulais poser aucune question à personne, surtout pas à maman.

Quelques jours après la cérémonie, maman m'appela dans la cuisine. Depuis la mort de papa, elle ne faisait presque plus que pleurer. Elle semblait désemparée, complètement perdue. Elle vivait dans son monde et moi dans le mien, nous ne nous parlions plus ou quasiment. Il y avait partout dans la maison la présence de papa, ses affaires, ses vêtements. Rien n'avait bougé depuis la nuit où il était parti, ni maman ni moi n'avions voulu y toucher. Sans doute pour éviter d'admettre la réalité ou pour ne pas raviver ce que l'on devrait à présent appeler « souvenir ».

Elle me fit asseoir et, le visage très fermé, elle me dit :
« Je sais que j'aurai du te le dire plus tôt mais la douleur était trop forte. Papa est parti, nous ne le reverrons plus. Il est mort, sans doute noyé dans la rivière. Monsieur Viersen, le policier, pense qu'il a été poussé dans la rivière par un mouvement de panique des bêtes. Il aura été surpris par l'orage. On a retrouvé son corps un peu plus loin dans l'eau le lendemain matin, avec les policiers. C'est moi qui les avait appelé, j'étais trop inquiète. Je sentais qu'il était arrivé un malheur. Ils ne savent pas trop ce qui s'est passé. Il ne reviendra plus mon grand, j'ai vu son corps, ton papa est mort. Je ne sais pas comment nous allons faire sans lui, il faudra que nous soyons fort.

Ton Papa t'adorai tu sais, il t'aimais vraiment très fort. Il ne te l'a peut-être pas toujours montré mais il tenait vraiment à toi. Tu étais tout pour lui. Il t'aidera, même là où il est. Si tu écoutes bien ton cœur, il sera toujours près de toi. Demandes lui de t'aider si c'est trop dur, tu verras, tu le sentiras à tes côtés. Si il te manque, si ça te fait du bien, parle lui. Tant que tu penseras à lui, soit avec ta tête, dans tes souvenirs, soit avec ton coeur, il sera vivant quelque part. Fais comme si il était toujours là. Tu es une partie de lui, celle qui reste aujourd'hui. Il était si fier de toi mon bonhomme, tu as eu un chouette Papa. Ça va être dur sans lui. Et puis moi... Tu es tout ce qu'il me reste mon grand. Il va falloir que nous nous habituions à vivre nous 2, ça va faire un grand vide. Mais saches que je t'aime mon grand, on y arrivera, tu pourras compter sur moi. »

Et elle me prit dans ses bras. Elle pleura à nouveau avec une telle force qu'on aurait dit que les larmes venaient du fond d'elle-même, de très loin. Comme si on lui arrachait le cœur, une douleur vraiment profonde la traversait. Je restais droit comme un « i », ne sachant de nouveau pas quoi faire ni quoi dire pour réconforter maman.

Les jours passants, nous nous sommes habitué à vivre ainsi, maman et moi. Elle s'occupait beaucoup de la maison et d'une partie de la ferme. Elle reprit temporairement la gestion des affaires de papa et elle s'est faite forte de passer ce cap. Mais je savais qu'elle traversais des moments extrêmement difficiles. Elle se renfermait beaucoup, elle parlait beaucoup moins. Elle ne mangeait quasi plus et elle maigrissait de jour en jour. Son regard était bien souvent vide et son sourire, que j'aimais tant, avait disparu avec Papa, il s'était envolé avec lui.

Elle téléphonais longtemps, elle parlais de la ferme et les affaires de papa. Il y avait des gens qui venaient aussi pour des papiers et des affaires de mon père. Elle semblait tracassée parfois aussi. Elle parlais de quitter la maison, que c'était trop dur pour elle de vivre ici. Elle semblait perdue. Et le soir, je vis bien souvent couler les larmes au moment du repas du soir. Ça me faisait mal de voir ma mère avec tant de peine, vraiment mal.

Je me sentais impuissant face à son chagrin et parfois aussi invisible à ses yeux. J'étais moi aussi très triste et je me sentais, pour la première fois, terriblement seul au monde. Même si je n'en parlais pas, j'avais mille questions à poser à ma mère. Mais je n'osais pas lui poser, de peur de lui faire trop de peine et de la voir pleurer à nouveau. J'étais comme abandonné, laissé seul sur le bord de la route avec mes bagages trop lourds pour moi. J'étais mis dans un rôle que je n'avais pas voulu, que personne n'avait voulu finalement. Sans réponse, sans explication pour apaiser mes peurs et mes angoisses. Ma bulle m'avait aidé mais aujourd'hui, elle me faisait sentir ce qu'était vraiment la solitude...

Le temps passa, les douleurs devinrent silence, habitudes et la vie parmi les vivants trouva de nouveaux repères. Nous étions comme deux grands brulés qui se regardent, s'aiment mais ne se touchent pas, de peur de faire mal à l'autre. Je ne pouvais soulager ma mère, je le sentais. Et ça me désespérait profondément. La vie a alors décidé de me faire une surprise. Une grande surprise...



Un visiteur pas vraiment attendu

Un jour, tard le soir, je me réveillais car il me semblait entendre quelque chose. Une petite voix, très discrète, presque éteinte. Depuis la disparition de mon père, j’avais le sommeil léger et mes nuits n’étaient pas des plus calmes. Je crus au départ que j'entendais les pleurs de ma mère dans sa chambre mais très vite, je sus que ce n'était pas ça. Tu sais, les petits garçons savent quand leur maman est triste, ils le sentent. Même sans être là. Les petites filles aussi sans doute mais moi je ne peux pas te parler des petites filles, la nature m'avait fait autrement. Enfin, bref.

Je n'arrivais pas à savoir d'où le bruit venait et cela me fit d'abord un peu peur. J'ai cru à un voleur ou un intrus qui se serait introduit chez nous. Ou alors une bête égarée aux alentours de la maison, un chat qui rôdait dans le jardin peut-être.

Après quelques instants, je me rendis compte que ce que j'entendais était une voix mais que cette petite voix venait de la fenêtre de ma chambre que j'avais laissé ouverte pour la nuit. Il faisait bon et puis maman disait toujours qu'il fallait que j'aère ma chambre sinon les cauchemars ne sauraient pas par où s'envoler. Sans doute pour avoir moins peur et surtout pour lui faire plaisir, je n'avais pas oublié ce soir là.

Sans faire de bruit mais intrigué, ignorant complètement le danger potentiel, je quittais mon lit et je me dirigeais vers la fenêtre. Alors j'y distinguais un tout petit bonhomme, haut comme un chat, qui était assis sur le rebord de ma fenêtre. Il était marrant car il avait le nez retroussé et de grands yeux tout bleu. On aurait dit que son costume datait d'une autre époque et vraiment trop grand pour lui. Il balançait les pieds et semblait très nerveux, comme s'il attendait quelqu'un en retard. Il parlait tout seul avec de grands gestes (enfin, pour lui) avec une petite voix qui ressemblait à des cris de souris. Je ne comprenais rien à ce qu'il disait et je ne crois pas qu'il me parlait d'ailleurs. Il avait l'air très perturbé et contrarié.

Quand il m'aperçut, il fît un bon et me fixa, l'air mi étonné, mi fâché. Il avait l'air de me dire "Ah, enfin ! J'ai failli attendre...". Devant mon regard interrogatif, il se calma rapidement et se mit debout tout en rajustant gauchement son costume. Il fronça les sourcils, comme s'il inspectait une bête curieuse, et espérant sans doute me faire un peu peur malgré sa petite taille, il me dit d'une traite :
"Oui, humm, c'est bien toi... Enfin je crois... Bon..." 
Il prit sa respiration et son visage pris l'expression très "donneur de leçon", un peu comme mon professeur de sciences quand il devait expliquer un phénomène aussi crucial qu'élémentaire qu'est la glaciation ou même l'orage. La chose que tu sens de suite que t'as intérêt à comprendre, tu vois. J'ai aussi su de suite que je n'avais pas intérêt à interrompre mon curieux professeur, ça non.

Il commença très directement :
"Tu n'as pas besoin de savoir qui je suis ni d'où je viens, j'ai très peu de temps devant moi. Passons donc les présentations. Je suis le dernier de mon peuple et je dois avant le lever du soleil transmettre mon pouvoir afin qu'il se perpétue. Le moment est venu. C'est un pouvoir que nous seuls avons et je crois qu'il vous serait utile à vous, les Grands. Je ne veux pas qu'il se perde avec moi. Je t'ai observé longuement et je sais que tu es la bonne personne. Je brave un interdit en le faisant mais je n'ai pas le choix. Tu n'as pas le droit de refuser car je n'aurai pas le temps de trouver un remplaçant. Donne moi ta main."

Aussi stupéfait et perplexe que toi qui m'écoute mais n'osant pas contredire le petit homme, je tendis ma main. Il monta alors dedans et sauta de plus en plus rapidement. Après quelques instants, je lui demandais si c'était ainsi qu'il transmettait son pouvoir dont je ne savais rien.
"Non, pas du tout, je voulais juste sentir si tu étais assez solide pour la tâche qui t'attend".

Un peu amusé mais toujours intrigué, je lui demandais si ça faisait mal, ce pouvoir. C'est la première chose qui m'est venue à l'esprit.
"Non, moi ça ne m'a pas fait mal. Enfin pas lorsque je l'ai reçu. Peut-être un peu après mais tu verras, tu t'y habitueras. Je ne m'en souviens pas vraiment car je suis très âgé aujourd'hui, la nuit arrive sur ma vie mon garçon, c'était il y a longtemps."

Après une courte pause, alors qu'il descendait de ma main, il reprit :
" Le seul problème, c'est qu'il ne te quittera jamais, tu devras l'écouter, le ressentir et t'y soumettre parfois. Mais tu verras, il t'ouvrira bien des portes, te fera rencontrer bien des gens et voir bien des paysages. Enfin tu verras. Ce n'est pas un fardeau que je te donne, sinon je l'aurai fait disparaitre avec moi, mais un véritable pouvoir. J'espère juste que tu sauras quoi en faire, tu es le premier homme à l'avoir"
Revenu sur l'appuie de fenêtre, il me regarda dans les yeux et me dit très solennellement :
"Bon, maintenant, je vais le faire et ensuite je disparaitrai. Surtout, ne sois pas ni triste ni étonné, c'est ainsi. Ne pose aucune question. Ne cherche même pas à me retrouver pour le faire. Tu découvriras ton pouvoir par toi-même, comme moi à l'époque. Mais tu le sentiras vite et il te servira souvent, crois moi. Déjà même sous ton propre toit.

« Tu découvriras ses avantages, ses inconvénients aussi mais surtout ses limites. Ne joue pas avec lui, ne perds pas ton temps à l'utiliser à de mauvaises fins. Laisse le grandir en toi mais ne le laisse pas t'envahir. Tu seras seul maître et juge de ce que tu en feras, j'espère ne pas m'être trompé sur toi. De toute façon, je n'ai plus le choix à présent.

Souviens toi, n'oublie pas de le transmettre sinon il sera perdu. Tu ne saura le faire que le jour où ton cœur te dira a qui tu le donneras, pas avant. Tu sentiras, au fond de toi, que le moment est venu. Apprends à l'écouter seulement et fais en bon usage, il fera de toi quelqu'un d'exceptionnel. Si ça marche, c'est un beau cadeau que je te fais, crois moi"

Encore admiratif par les paroles du lutin, j'attendais la suite...
"Allons-y, trêve de bavardage, le temps presse, ouvre grand tes yeux et regarde dans les miens, ne les quitte surtout pas, ça ne sera pas long"

Tout en prononçant ces paroles, il a pris un de mes doigts dans sa main et il a relevé la tête pour croiser mes yeux. Une fois nos regards plongés l’un dans l’autre, il y a eu un instant très troublant pour moi, j’ai eu la sensation de tomber dans un gouffre sans fond, aspiré vers des abysses dont j’ignorais jusque là l’existence.
Ce qui suit est allé très vite, enfin je crois car j’ai perdu toute notion de temps à partir de là.

D’un coup, j’ai vu à travers ses yeux une multitude d’images très diverses et qui passaient dans ma tête bien trop vite pour que je puisse les analyser ou même ressentir quoi que ce soit, elles défilaient trop vite. Comme une vague énorme que l’on voit arriver et que l’on ne sait plus éviter. Elles m’emportaient, leur force m’interdisant toute lutte.

J’ai su dès le départ que je ne pouvais plus reculer, bien malgré moi.
Et c’est comme si elles allaient directement se graver dans ma mémoire, comme des photos qu’on range dans une pochette sans les avoir vraiment regardées. Quelques unes m’ont semblé très sombres, très tristes mais sans que j’ai le temps de m’y attarder vraiment. J’étais happé par ce défilé d’images, de scènes de vie, de passé qui n’était pas le mien. Des images de Grands, pas de celles que j’avais moi dans ma tête à l’époque. Elles écrasaient tout mon monde, le noircissait et le rendait sale. Ces images n’étaient pas pour moi, elles n’étaient pas de moi, mes yeux ne les avaient pas vraiment vues.

Ensuite, mon cœur s’est mis à battre beaucoup plus vite, presque à me rendre malade. Je le sentais battre si fort que je croyais qu’il allait exploser, que j’allais m’effondrer tant j’avais l’impression de ne plus avoir de force du tout. Les images continuaient à arriver, bien sûr mais je ne les voyais plus. Je ressentais des sentiments, des émotions qui s’abattaient sur moi comme si j’étais victime d’une fusillade, de la tristesse, de la colère, de la rage même mais surtout de la peur. Ces émotions n’étaient liées à rien, elles étaient là sans filtre ni explication². Elle se succédaient, se mélangeaient. Elles entraient en moi, directement dans mon cœur. Tout se mêlait , comme si je vivais cent vies en un instant, comme si je reprenais en moi des morceaux de mémoire du lutin qu’il allait directement déposer dans mon esprit. [A REVOIR]

Soudain, j’ai eu peur de ce qui arrivait. J’avais envie que le torrent d'image s’arrête mais il continuait à se déverser en moi. Je tremblais de tout mon être, comme si il était trop petit pour contenir tout ça. J’avais envie de crier, de hurler même. Pas de douleur car je n’avais mal nul part, non, non. Mais comme si tout à coup je refusais ce « don » qu’il me léguait quasi de force. Je ne comprenais plus rien, j’étais devenu tout juste un réceptacle, un livre où il était en train d'écrire sans que j’ai mon mot à dire, sans rien comprendre à ce qui arrivait. Je sentais au fond de moi que ce n’était pas mes émotions ni même mon propre vécu que je vivais là. Celui de beaucoup de gens que je ne connaissais pas mais certainement pas mon passé. J’étais un objet, une mémoire, plus un petit garçon innocent.

La suite, je ne me souviens plus bien car je me suis senti vraiment mal et je pense que je suis tombé dans les pommes. Il y a juste eu une grande lumière blanche avant que je ne m’effondre sur le sol de la chambre mais ensuite, plus rien jusqu’à ce que je reviennes à moi. Je me retrouvais allongé, face à la fenêtre.
Comme il me l’avait dit, le lutin était parti et je savais que je ne le reverrai pas. J’ignorais encore ce qui avait changé en moi, mis à part que je revoyais sous forme de flash certaines images.

La palette des émotions venaient petit à petit se greffer sur ces petits moments, parfois très durs à voir, qui repassaient devant mes yeux et dans mon esprit. J’étais comme spectateur de ma nouvelle mémoire. J’ai regardé par la fenêtre encore ouverte, le regard dans le vide. J’ai ensuite regagné mon lit, j’étais à bout de forces.
C’est maman qui me réveilla le matin, comme d’habitude. J’ai lu sur son visage que quelque chose n’allait pas, qu’elle se tracassait. Et que ce n’était pas sa mauvaise nuit qui en était la cause. Mais bien moi.

Découverte intérieure


Les jours qui suivirent, je les passaient au lit, sur ordre de maman. Elle croyait sans doute que j’avais attrapé la grippe ou un refroidissement car j’étais fort pâle, disait-elle. J’avais ordre de rester coucher, elle se chargeait de tout. La seule sortie qu’elle m’autorisait était pour aller me laver dans la salle de bain toute proche. Et aller aux toilettes, dans cette même salle de bains. Pas le droit d’aller ailleurs, sur ordre de maman.

C’est vrai que je me sentais étrange, très fatigué. Avec des maux de tête et des courbatures un peu partout. Mais depuis la visite du lutin, je n’en avais rien dit à maman, pour ne pas l’inquiéter encore plus. Les images de ma mémoire se mettaient petit à petit en place, parfois avec une sensation désagréable de vertige et de douleur au front. Mais ces douleurs passaient aux yeux de ma mère comme symptôme de la grippe.

Je me sentais différent, c’était indéniable. Dans le fond, j’avais quelque chose que je ne maîtrisais pas encore qui se mettait en place. Pas toujours avec facilité mais qui était en train de changer ma perception définitivement. Quelque chose d’extérieur qui prenait place en moi, dans ma tête et dans mon corps.

Un jour que maman m’y autorisa, je suis allé jusque la salle de bain seul. Ca faisait un moment que j’allais mieux et elle devenait moins protectrice, me laissant regagner un petit peu d’autonomie.
Je ne dis pas que je trottinais jusque là mais mes jambes étaient redevenues assez fortes pour me porter seul.

Arrivé dans la pièce, elle me parût assez différente que quand maman m’accompagnait. Plus claire, plus étincelante que jamais. Les choses semblaient avoir leur place mais comme dans un rêve. La lumière me sembla très différente et moi bien plus petit tout à coup.
J’avançais vers les toilettes quand mon regard croisa l’élément principal de la salle de bain : un énorme miroir qui couvrait la moitié du plus grand mur. Je m’attendais à me voir, comme avant mais ce ne fût pas le cas. J’avais changé…

[A suivre... et moi, à continuer...]

1 commentaire:

  1. Sans vouloir plagier...

    ABSOLUMENT FABULEUX!!

    Je demande la suite avec impatience et serait la première si un jour il est publié!
    Avec une dedicace bien sur ;o)

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